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A la fin du XIXème siècle, l’encyclique Rerum Novarum du pape Léon XIII invite les prêtres à s’engager activement auprès des plus démunis, et plus particulièrement à se rapprocher du monde ouvrier. Cette mission est inégalement accueillie à travers l’Europe, et plutôt mal en France où le clergé a été profondément marqué par la Révolution et demeure attaché à l’aristocratie. Le clergé breton est quant à lui particulièrement marqué par son traditionalisme.

En 1892 Léon XIII invite cette fois tous les catholiques français à se rallier à la République. Le clergé français rechigne, et dans son ensemble le clergé breton y est hostile . Çà et là des prêtres isolés vont pourtant prôner le ralliement à la République et s’engager dans des actions sociales courageuses et novatrices, en butte à leur hiérarchie religieuse et dans un contexte houleux suite à la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat qui survient en 1905. On va les appeler les abbés démocrates.

C’est une époque charnière où les syndicats se développent et où le système coopératif s’expérimente. En Bretagne, alors que le clergé est souvent proche de l’Action Française, trois abbés démocrates d’envergure apparaîssent : Félix Trochu, Louis Bridel, Henri Mancel. 

C’est l’âge d’or de la presse (la radio n’existe pas encore) et ils se battent à coups d’articles et d’ouvrages divers, signés souvent de pseudonymes savoureux : Jules Le Trimardeur, Grindorge, ou Jacques Leterreux !… Ils sont mutés dans des bourgs reculés, à des heures de diligence des grandes villes … mais ils persévèrent, créent des syndicats, des coopératives, des caisses de crédit mutuel, des journaux, et même des banques ! Trois véritables "personnages" méconnus, ou curieusement oubliés.

Plusieurs intervenants - historiens, sociologues, journalistes - viennent éclairer ce pan de l’histoire de la Bretagne, qui va du mouvement du Sillon au début du siècle, jusqu’à la montée du dorgèrisme et des "chemises vertes" en 1935. C’est Dorgères qui traita les abbés démocrates de "poissons rouges dans le bénitier"…

Le film nous emmène sur les traces des trois abbés, et cherche à capter "l’esprit des lieux". De la cristallerie de Haute Bretagne à Fougères - coopérative créée par Bridel en 1921 - à la petite église de Monthault où Mancel fit chanter la Marseillaise à ses ouailles ! Il intègre aussi des archives d’époque – c’est également l’âge d’or de la carte postale – qui nous transportent dans les grandes grèves de la chaussure en 1906-1907 à Fougères ou dans des scènes rurales des années 20 …

J’ai eu le désir de faire passer mon propre étonnement quand j’ai découvert l’existence de ces abbés « démocrates » et pris la mesure de leur action ; sans prosélitysme aucun bien sûr, mais sur la base de l’intérêt historique des faits. Et avec le souci premier de raconter une histoire, tant ils m’apparaissent quasiment comme des personnages de fiction. Le comédien Claude Rich, en prêtant sa voix au film, m'a aidé en cela ...