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Souvenir, souvenir...

LITTORAL

 

Nous sommes sur l'île de Ouessant, au mois de janvier. Le dîner s'étire avec l'équipe de tournage quand Laurent demande soudain si quelqu'un souhaite aller faire un tour au phare ? Sophie et moi sommes immédiatement partants. Nous roulons dans la nuit, curieux du spectacle à venir. Quand nous descendons de voiture, c'est un choc ! A peine avons-nous fait quelques pas, nous avons tous les trois le pressentiment d'un moment fort à ne pouvoir vivre que pour soi, en soi, et qu'aucune parole ne saurait troubler. Chacun de nous s'isole en effet spontanément en s'aventurant alentour, plongeant dans l'obscurité, invisible aux yeux des autres.     

Avec son gigantesque rayon (32 milles de portée), le Creac'h balaye majestueusement la mer et dessine au-dessus de nos têtes un immense rond, comme le chapiteau géant d'un cirque unique, le cirque marin doté du plus grand chapiteau au monde ! Le spectacle est grandiose. Le rayon passe au-dessus de nos têtes en un silence impressionnant, troublé seulement par quelques vagues qui se fracassent ici ou là sur les rochers.

                                                                                                                                     

Il y a dans ce grand tour immuable une forme d'incantation, c'est une transe de derviche-tourneur ! Cela donne le frisson. Je suis véritablement en contemplation, comme hypnotisé. Le rayon semble étonnamment léger et pourtant il m'écrase à chaque passage. C'est un curieux mélange de peur et de paix, la sensation d'être pleinement au monde, débarrassé des oripeaux sociaux, tout petit mais grand, presque nu mais empli d'essentiel.

                                                                                                                                      

Nous restons-là tous les trois de longues minutes, au pied de Creac'h. Chacun demeure dans son émotion, solitaire. J'ai oublié qui de nous trois a dû briser l'instant magique. Il le fallait. Nous ne pouvions rester ainsi, indéfiniment. Mais je sais que celui-là a certainement hésité. Dans mon souvenir nous sommes rentrés silencieusement à l'hôtel, émus de cet instant privilégié, vécu à la fois pour soi – dans une indicible intimité – et pourtant partagé dans une complicité amicale inattendue et forte, faisant écho à notre complicité professionnelle. C'est un de mes plus beaux souvenirs "off" de tournage. 

 

Janvier 2009, île d'Ouessant - en tournage des « plateaux » pour l’émission LITTORAL (de gauche à droite : Sophie Bourhis, coordinatrice/ Laurent Marvyle, journaliste-présentateur/ Alain Gallet, réalisateur/ Philippe Virlois, son/ Olivier Boidin, éclairage/ Camille Le Quellec, image)

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